Economie

Tunisie : La demande controversée de prêt à la banque centrale suscite l’inquiétude

Published

on

# La Tunisie envisage de solliciter sa banque centrale pour emprunter des milliards

## Une demande controversée

Le gouvernement tunisien, dirigé par le président Kais Saied, a récemment soumis une proposition pour emprunter des fonds à sa Banque centrale afin de combler un déficit budgétaire massif et de surmonter sa crise économique. Cette manœuvre sans précédent suscite de vives inquiétudes parmi les experts, qui craignent une potentielle inflation et une perte de confiance dans les institutions du pays.

Lors d'une réunion d'urgence à huis clos, le comité des finances du parlement a examiné la requête du gouvernement visant à emprunter ces fonds, suite à une révision des lois destinées à garantir l'autonomie de la banque. Cette démarche intervient alors que le président Saied a déjà affaibli plusieurs institutions depuis son arrivée au pouvoir, en suspendant brièvement le Parlement et en procédant à une réécriture de la Constitution.

## Des conséquences potentiellement graves

Le gouvernement souhaite que la banque centrale achète directement des obligations sans intérêt pour un montant de 7 milliards de dinars tunisiens (environ 2,25 milliards de dollars US) afin de combler un déficit budgétaire atteignant 10 milliards de dinars (environ 3,2 milliards de dollars US). Cependant, cette demande soulève des préoccupations majeures en Tunisie, où l'inflation et les pénuries de biens de première nécessité sont monnaie courante, menaçant ainsi l'indépendance politique de la banque, la hausse de l'inflation, et semant la crainte parmi les prêteurs et investisseurs étrangers.

L'impossibilité pour la Tunisie d'emprunter auprès de ses créanciers habituels, notamment le Fonds monétaire international (FMI), dont le plan de sauvetage de 1,9 milliard de dollars US demeure en suspens, complique davantage la situation.

## Réactions des experts

Les experts expriment leur inquiétude quant à cette démarche inédite. L'économiste Aram Belhadj, professeur à la Faculté d'économie et de gestion de Tunis, a déclaré que "modifier le statut de la Banque centrale de Tunisie pour lui permettre de financer le budget du gouvernement, et rien d'autre, est une approche très risquée qui comporte de multiples dangers, notamment sur le plan de l'inflation, pour l'économie du pays et ses relations avec ses partenaires."

Par ailleurs, Raouf Ben Hedi, analyste à l'agence de presse Tunisian Business News, a souligné que si l'emprunt à la banque centrale pouvait soutenir le budget à court terme et maintenir les subventions pour des biens de consommation courante tels que la farine, l'électricité et le carburant, la mémoire des récentes pénuries de biens essentiels et des files d'attente pour obtenir du pain est encore vive chez les Tunisiens. Par conséquent, cette mesure risque de fragiliser davantage la confiance dans la monnaie et sa valeur.

## Perspective d'avenir

En raison de la dette de la Tunisie et de la probabilité de défaut, l'agence de notation Fitch a maintenu la note de crédit du pays à CCC- en décembre dernier. L'agence a alors mis en garde contre un programme d'emprunts permettant à la Banque centrale de financer directement le gouvernement, soulignant que cela "mettrait en danger la crédibilité de la banque centrale et accroîtrait la pression sur les prix et le taux de change".

Cette demande sans précédent survient alors que d'autres sources de financement se font rares. Alors que les élections présidentielles en Tunisie approchent, les négociations autour du plan de sauvetage du FMI restent dans l'impasse, en raison de la réticence du président Saied à réduire les subventions ou les salaires dans le secteur public. Ce dernier a critiqué les réformes recommandées par l'institution comme étant des "diktats étrangers" et a limogé son ministre des Finances, l'un des principaux défenseurs des réformes proposées.

Dans ce contexte, les pressions politiques peuvent entraîner des politiques monétaires expansionnistes pendant les périodes électorales, comme c'est le cas en Tunisie, a averti Raouf Ben Hedi, soulignant que de telles politiques pourraient conduire à des récessions à long terme.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Tendance

Exit mobile version