Le Ministère de la Sécurité de l’État de Chine s’affirme publiquement, suscitant des inquiétudes
Le Ministère de la Sécurité de l’État, l’agence de renseignement de premier plan en Chine, est sorti de l’ombre ces dernières années, ce qui soulève des préoccupations parmi les entreprises et les investisseurs.
Le Ministère de la Sécurité de l’État devient plus visible
Pendant des décennies, le Ministère de la Sécurité de l’État de Chine était l’une des organisations les plus secrètes du pays. Cependant, depuis l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping à la fin de l’année 2012, et surtout depuis qu’il a commencé à mettre l’accent sur la sécurité nationale, le Ministère de la Sécurité de l’État a commencé à se montrer au grand jour.
En 2015, pour le premier anniversaire de la promulgation de la Loi sur la Contre-Espionnage, le ministère a lancé une hotline (le 12339) pour que les résidents signalent des activités suspectes, offrant jusqu’à 500 000 yuans (70 000 dollars américains) pour des informations ayant conduit à des arrestations.
Par la suite, le ministère a lancé une plateforme de signalement sur internet. En août de l’année dernière, le ministère a créé un compte officiel sur WeChat et a commencé à s’affirmer non seulement sur des questions d’espionnage, mais aussi sur des questions nationales et internationales, allant des relations sino-américaines à des sujets économiques, avertissant par exemple contre la dénigrement des perspectives de croissance économique de la Chine.
Les préoccupations des observateurs et des investisseurs
Les réflexions quotidiennes du ministère et sa manière de s’affirmer dans les affaires publiques sont devenues une source d’intérêt considérable pour les observateurs de la Chine et les médias, mais ont également suscité des inquiétudes parmi les investisseurs et les propriétaires d’entreprises dans le pays.
Par exemple, le ministère a récemment énoncé 10 conditions, principalement liées à la sécurité nationale, aux secrets d’État et à la loi anti-espionnage, qui pourraient conduire à un interrogatoire par ses agents, connu dans le langage courant sous le nom d’« invitation à prendre le thé ».
Les raisons de l’affirmation publique du Ministère
Pourquoi l’agence de renseignement la plus secrète de Chine ne souhaite-t-elle plus rester clandestine ? Premièrement, il faut noter que le leadership chinois a tourné son attention vers la sécurité nationale depuis 2018, lorsque l’ancien président américain Donald Trump a lancé la guerre commerciale contre la Chine.
Les autorités de Pékin ont accusé à maintes reprises Washington de chercher à contenir et à réprimer la Chine à travers son réseau d’alliés. Dans son discours-programme au 20e Congrès national du Parti communiste en 2022, Xi a consacré beaucoup de temps à parler de la sécurité nationale et de la stabilité sociale, mettant en avant « la sécurité politique comme notre tâche fondamentale, la sécurité économique comme notre base, la sécurité militaire, technologique, culturelle et sociale comme des piliers importants, et la sécurité internationale comme un soutien ».
La loi chinoise révisée anti-espionnage, approuvée en avril de l’année dernière et entrée en vigueur en juillet, a considérablement élargi le champ des activités pouvant être considérées comme de l’espionnage, au milieu d’une vague de perquisitions menées dans des sociétés de consultants et de vigilance liées aux États-Unis.
En outre, le nouveau chef des services de renseignement chinois, Chen Yixin, aurait poussé pour que le ministère joue un rôle de premier plan, étant donné qu’il est membre du cercle restreint de Xi Jinping.
Enfin, le leadership du Parti travaille sur une Pensée de Xi Jinping sur la Sécurité nationale, qui devrait s’ajouter à la doctrine politique globale, « La Pensée de Xi Jinping sur le Socialisme aux Caractéristiques Chinoises pour une Nouvelle Ère », inscrite à la fois dans la charte du Parti et dans la Constitution de l’État.
L’attention accrue sur les entreprises et les investissements étrangers
Toutefois, les efforts accrus de la Chine pour surveiller les entreprises et les investissements étrangers ont déjà rendu les investisseurs étrangers très nerveux. Les commentaires incisifs du ministère pourraient encore renforcer cette nervosité.
Par exemple, à la suite des réunions annuelles de la Chine sur la situation économique et financière en fin de l’année dernière, le ministère a publié des messages condamnant ceux qui, animés d’arrière-pensées, se montraient pessimistes sur la Chine et « dénigraient » les perspectives de croissance économique de la Chine, déclarant que toutes ces tentatives visaient à miner la confiance des investisseurs internationaux et à déclencher des troubles financiers en Chine, posant ainsi de nouveaux défis aux efforts de la Chine pour maintenir la sécurité financière.
Il est à prévoir que le ministère joue un rôle actif dans l’élaboration de mesures de sauvegarde de la sécurité nationale dans les domaines économique et financier.
Sa prise de position agressive pourrait être interprétée comme une intention d’agir contre ceux qui ont des réserves quant aux politiques économiques de la Chine.
Le ministère a certainement des raisons valables d’étendre son influence publique, mais il doit être plus conscient de l’impact potentiel de ses réflexions quotidiennes, étant donné qu’il s’agit, après tout, d’un service clandestin.