Crise agricole en France : Les agriculteurs face à des défis économiques majeurs
Les manifestations des agriculteurs en France
Les manifestations des agriculteurs en France ont pris de l’ampleur, mettant en lumière la situation difficile à laquelle sont confrontés ces acteurs clés de l’économie. Les agriculteurs se plaignent de la baisse des prix alimentaires, de l’augmentation des coûts et des réglementations contraignantes qui, selon eux, compromettent leurs moyens de subsistance.
Les protestations, qui s’inscrivent dans un mouvement croissant de colère parmi les producteurs agricoles à travers l’Union européenne, représentent un défi majeur pour le gouvernement du président Emmanuel Macron, à quelques mois des élections européennes.
Une population agricole en déclin
La France, premier producteur agricole de l’UE, a vu le nombre d’agriculteurs passer de 2,5 millions dans les années 1950 à moins d’un demi-million aujourd’hui. Cette diminution drastique de la population agricole s’accompagne d’un vieillissement sans précédent. Selon le dernier recensement disponible, l’âge moyen des agriculteurs était de 51,4 ans en 2020, contre 50,2 ans en 2010.
Sur les 496 000 agriculteurs recensés en 2020, près de 200 000 – soit deux cinquièmes du total – seront en âge de prendre leur retraite d’ici 2026. Pendant ce temps, les jeunes agriculteurs potentiels se voient exclus de l’industrie, incapables d’investir dans les terres et les biens nécessaires.
Le témoignage d’experts
Alessandra Kirsch, économiste et responsable des études au sein du groupe de réflexion français Agriculture Stratégies, souligne que les jeunes aspirants agriculteurs doivent investir des centaines de milliers, voire des millions d’euros dans une profession réputée pour sa difficulté, ses longues heures de travail, sa disponibilité permanente, ses rares congés et son revenu fluctuant. Les remboursements de prêts à effectuer au cours des premières années sont trop élevés par rapport aux maigres bénéfices générés par les exploitations.
Yohann Barbe, éleveur de bétail dans l’est de la France et membre du bureau de la FNSEA, principale union agricole de France, souligne la nécessité d’améliorer l’attractivité du secteur pour assurer sa survie. Il affirme : « Nous devons offrir aux gens la perspective de meilleures conditions de travail. Nous avons la chance de travailler en contact avec la nature, mais nous devons aussi pouvoir subvenir à nos besoins ».
Déclin du nombre d’exploitations agricoles
La diminution du nombre de travailleurs agricoles s’accompagne d’une baisse presque symétrique du nombre total d’exploitations, en baisse de près de 21 % entre 2010 et 2020, soit une perte d’environ 100 000 entreprises en l’espace d’une décennie.
Alessandra Kirsch souligne les principaux obstacles à la transmission des exploitations d’une génération à l’autre, liés à la fois au coût des biens et au manque de candidats. Le besoin en capital et en main-d’œuvre augmente pour produire la même richesse, ce qui explique la concentration des exploitations agricoles.
Impact sur le bien-être des agriculteurs
La situation difficile des agriculteurs a été mise en cause pour un taux de suicide significativement plus élevé que la moyenne nationale. En 2020, le taux de suicide chez les agriculteurs âgés de 15 à 64 ans était de 43,2 % plus élevé que la moyenne nationale, selon les chiffres compilés par la Mutuelle sociale agricole (MSA), principal organisme de sécurité sociale du secteur agricole.
Alessandra Kirsch souligne : « C’est une profession qui exige beaucoup de travail et une connaissance approfondie de nombreux domaines (affaires, administration, agronomie), et qui est constamment critiquée. Concilier le professionnel et le social n’est pas facile dans de telles circonstances, et il est facile de perdre pied ».
Vulnérabilité des agriculteurs
Les chiffres de l’INSEE, l’institut national de statistique, indiquent que près de 17,4 % des ménages agricoles vivent en dessous du seuil de pauvreté, un pourcentage plus élevé que celui des ouvriers (13,9 %) et des employés administratifs (12,1 %), et presque deux fois plus élevé que la moyenne nationale (9,2 %).
Alessandra Kirsch souligne la plus grande vulnérabilité financière des agriculteurs due à la forte volatilité de leurs revenus. Les fluctuations sauvages des prix des céréales témoignent des défis auxquels sont confrontés les agriculteurs.
Conclusion
La crise agricole en France soulève des questions pressantes sur l’avenir de ce secteur crucial de l’économie. Les défis économiques, démographiques et sociaux auxquels font face les agriculteurs français nécessitent une action concertée des pouvoirs publics, des organisations agricoles et de la société dans son ensemble pour garantir la viabilité et la durabilité de l’agriculture française.